samedi 27 décembre 2008

Hommage

Ma condition de bipède m'a conduit l'autre jour devant un passage piéton où j'attendais sagement que le gentil bonhomme vert m'autorise à traverser. Après une courte attente - gage des restes de mon civisme - je décidai de traverser entre les voitures à l'arrêt, bravant ainsi l'autorité silencieuse qu'exerçait sur moi ce con de bonhomme rouge (que les allemands me pardonnent). Quand soudain, je vis arriver une vieille mobylette comme il ne s'en fait plus. Elle godillait habilement comme une guêpe entre les voitures se jouant ainsi des embouteillages. La voyant arriver à toute vitesse, je dus couper subitement mon élan d'incivisme et faire un pas en arrière (le couple de touristes allemands en ricane encore...). Elle passa devant moi en pleine accélération et j'eus à peine le temps de lire en toutes lettres sur le dos du conducteur : P O L I C E. Voici donc le sociotype qui m'interroge : Le flic-à-mobylette.

Qu'est-ce que le flic-à-mobylette ? Un manque de chance, une punition ? S'agit-il du préposé aux trottinettes en délit de fuite ? Est-ce le rappel à tous les policiers en grosses motos, en roller, en voiture, à cheval, en scooter, en VTT et même à pied, qu'ils finiront en mobylette au bout de trois bavures dans la même année ? Ou bien s'agit-il d'une forme archaïque de bizutage encore en vigueur dans les divisions les plus radicales de la police ?

Je vous entends déjà dire que je vais me moquer sournoisement de ce pauvre fonctionnaire à roulettes du haut de mon blog haut perché ! Bien au contraire, je le plains et pense qu'il mérite notre plus grande empathie. Et pour cause...

Pensez à notre Gardien de la Paix, qu'on humilie quotidiennement sur son vieux 103, coiffé d'un casque trop petit sans visière. Pensez aux railleries cruelles de ses collègues et aux moqueries des enfants à son passage.
Pensez à l'ingratitude de son grade qui l'empêche d'avoir sous ses ordres un deux-roues plus petit, plus lent, plus chétif et plus vulnérable dont il pourrait se railler également.

Imaginez notre fonctionnaire attendre tranquillement au feu rouge. Une jolie jeune fille se tient à droite sur beau Vespa. N'asumant pas sa condition, il tourne la tête comme si de rien n'était et tombe à sa gauche sur un policier ganté de blanc, au guidon d'une superbe cylindrée rutilante prête à bondir pour secourir la veuve et l'orphelin. Il regarde devant lui tête basse. Sa mobylette croasse péniblement entre le ronronnement viril de son voisin et le bourdonnement raffiné de sa voisine. Le feu passe au vert. Notre flic-à-mob voit partir dans leurs gaz d'échappement la femme qu'il n'aura jamais et l'homme qu'il se promet de devenir un jour. Lui, reste cloué sur place avec pour seule consolation, le coup de klaxonne du routier pressé derrière lui et les gaz d'échappement laissés par ses deux fantasmes.

Malgré ces humiliations permanentes, il assume pleinement sa fonction été comme hiver. Et croyez moi qu'il godillera comme Alberto Tomba quand son vieux Tam-Tam vibrera pour l'avertir de votre propre agression. Son rêve d'enfant deviendra réalité et il se rappellera fièrement du serment pris devant le drapeau le jour de la remise du code de son antivol en plastique. Il déploiera ses coudes comme un aigle fixé sur sa cible. Son dos à l'horizontale, il rentrera sa tête dans ses épaules avec l'oeil du tigre rugissant sous ses sourcils froncés en hurlant "plus viiiiiiiite, mais putain plus viiiiiiiiiite". Tous les Velib auront beau le doubler, il prendra tous les risques et même la voie des bus pour venir à votre secours, prêt à jaillir de son fourreau sa souche de PV et son stylo qui bave. Vous lui raconterez votre agression (sans le faire culpabiliser d'arriver 3h après la bataille) et j'espère que vous lui offrirez un bon café chaud parce que, s'il y a bien un fonctionnaire qui mérite un remontant à notre époque, c'est le flic-à-mobylette.

vendredi 26 décembre 2008

Faire part de naissance

Si tant de gens s'y sont essayé c'est que ça doit bien être utile quand même !

Blog, carnet de bord, journal intime, notes, mémoires, recueil de pensées, confidences que l'on se fait, petits secrets qui seront lus. Confessions tellement faciles à première vue. Personne à l'audience, ni juge, ni jurés, la liberté d'être innocent ou coupable selon l'humeur... L'honnêteté en toute tranquillité. Il ne reste plus qu'à fermer mon paquetage et partir affronter l'inconnu avec Wolfgang dans les oreilles et mon Mac sous le bras. Les mains sur les hanches, le regard conquérant, les poumons gonflés de curiosité, je trône sur le pas de la porte et fais face à cet Eldorado et tous ces Moulins prêts à être conquis. Mon ombre jonche le sol et s'étire vers l'intérieur comme retenue. Un dernier regard derrière mon épaule, je vérifie que je n'oublie rien. Un dernier souffle, une première inspiration... Le premier pas.

Foutu premier pas. Je l'accouche finalement comme ça lui, à 27 ans, un dimanche soir dans mon lit pris d'insomnie. Pas de péridurale, ni de césarienne. Pas de taxi à appeler ni de docteur à supplier. Je suis en position. Les coussins sont redressés, le drap recouvre mes jambes légèrement pliées, suffisamment écartées. Mon ordinateur est posé sur mon ventre et Wolfgang complète ironiquement mon accouchement par son Requiem.

Le travail peut commencer.

Tout s'est bien passé et je n'ai même pas transpiré. Il est là face à moi ce foutu premier pas. Je le tiens dans les mains, il pèse six lignes et demie. Je le regarde un peu étonné, je l'ausculte brièvement. Je suis presque content mais pas complètement rassuré. J'avais peur qu'il soit mal formé et je redoute encore la mort subite du nourrisson.

Bon, ne gâchons pas ce moment et projetons nous avec enthousiasme. Maintenant que ce premier pas est là, va falloir lui trouver un nom, lui apprendre à marcher, lui apprendre à parler et qui sait, un jour il aura peut-être un petit frêre ou une petite soeur.

Je le regarde une fois encore et je me dis que j'arriverai peut-être à l'aimer avec le temps. Notez que ce n'est pas comme si je l'avais attendu toute ma vie en lisant "Parents-de-premier-pas Magazine". Au contraire, je l'ai même plutôt redouté. Jusqu'à présent, je préférais sortir draguer la nuit
deux trois thèmes et quelques idées. Je leurs payais des verres (en évitant de faire mon premier calembour foireux) et ça finissait souvent ivre sans elles. Les rares fois où je les ramenais chez moi s'en suivaient des petits coups maladroits, un peu convenus et toujours retenus. Celles qui rentraient avec moi partaient au plus tard le lendemain matin sans laisser de mot.

Tout aura donc commencé avec Wolfgang un dimanche soir. Il aura été en quelque sorte ma sage femme et il m'accompagnera maintenant dans tous ces moments que j'espère nombreux. Je vais aller dès demain me prendre un café avec lui et puis on partira en vacances ensemble, on ira à la campagne et on trinquera des fois à la santé de son pote Patrick Dewaere. Tiens, W. est parti se coucher avant moi. Hé ! Dors bien ! On se voit demain, hein ? C'est ça, toi aussi. Bonne nuit.